Le poisson-clown est-il un imposteur ?

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Porter le nom de poisson-clown : coup marketing ou vaste fumisterie ? Autrement dit, le poisson-clown est-il vraiment un clown ? En bonus, découvrez enfin la version non censurée du Monde de Nemo !

Les noms composés des poissons sont-ils fiables ?

  • Le poisson-pierre ? Il ressemble à s’y méprendre à un rocher.
  • Le poisson-globe ? Il mérite sa réputation sphérique dès qu’on le taquine un peu.
  • Le poisson-chat ? Ses barbillons rappellent les moustaches du félin.

Bien. Mais que dire du poisson-clown ? Mérite-t-il son titre de clown ? Bestiapolitan a enquêté.

Photo de poisson-globe.
« Je suis plat comme la Terre », nous dit ce poisson-globe platiste.

La véritable identité du poisson-clown

Poisson-clown est un nom de scène. Son vrai nom est moins glamour : Amphiprioninae. Cette sous-famille de poissons compte une trentaine d’espèces. Parmi elles, l’Amphiprion ocellaris et l’Amphiprion percula sont associés au célèbre Nemo de Pixar.

Est-ce que porter un pseudo est acceptable pour un clown ? Le fameux clown Chocolat, joué au cinéma par Omar Sy, se prénommait en réalité Rafael. Et puis on ne compte plus les clowns surnommés Jojo, Kiki ou Loulou.

Avoir un nom de scène n’est donc pas disqualifiant pour être un clown. Nous validons le pseudo de « poisson-clown » pour les Amphiprioninae.

L’habit de lumière du poisson-clown

Le clown : un bouffon qui a de la tenue

On distingue deux catégories de clowns dans les cirques : le clown rouge, autrement appelé l’auguste, et le clown blanc, que nous n’évoquerons pas ici.

La tenue d’un clown rouge est très codifiée : nez rouge, couleurs vives, maquillage blanc, noir et rouge, perruque, chaussures immenses. Pourtant, ces contraintes « vestimentaires » sont une goutte d’eau à côté de celles du poisson-clown.

Un poisson-clown haut en couleurs

Ensemble des variétés d'amphiprions, poissons-clowns.
Intégralité des espèces de poissons-clowns, classées en fonction de leur nombre de bandes blanches au stade adulte. Quelle est votre préférée ? ©P. Salis, J. E. Randall

Avec ses couleurs variées et chaleureuses (jaune, orange, rouge, blanc), le poisson-clown se rapproche du clown. Mais est-ce que sa « tenue » est aussi codifiée que celle du clown ?

Les bandes blanches du poisson-clown

Le poisson-clown porte de larges bandes blanches réfléchissant la lumière (via des cellules iridophores). Sont-elles disposées au hasard ?

L’étude de Vincent Laudet et de son équipe publiée dans BMC Biology (et reprise ici par le CNRS) nous montre la finesse de ce système de bandes blanches.

1 – Localisation des bandes

Les bandes blanches ne peuvent être localisées qu’à des endroits précis sur la tête, le tronc ou la queue.

2 – Nombre de bandes

Sous l’influence des hormones thyroïdiennes, dans les premiers stades de son développement, le poisson-clown va passer de 0 bande à 1, 2 puis 3 bandes. Adulte, suivant l’espèce, il pourra perdre plusieurs bandes. Le nombre de bandes dépend donc de la maturité et de l’espèce.

Vous comprenez donc mieux pourquoi le poisson-clown ne portera jamais d’Adidas. Les 3 bandes seraient de trop.

3 – Ordre d’apparition et de disparition des bandes

Au cours de la croissance, les bandes apparaissent toujours de la tête à la queue. La première bande apparaît sur la tête. La deuxième sur le tronc. La troisième sur la queue.

Une fois adulte, la disparition des bandes (quand elle a lieu) se fait toujours, dans l’ordre inverse, de la queue à la tête.

Evolution des bandes du poisson-clown.
5 stades de croissance du A.frenatus. De gauche à droite : 0 bande, 1 bande, 2 bandes, 3 bandes (ébauche blanche discrète sur la queue) et disparition de 2 bandes à l’âge adulte ©John E.Randall

Fait remarquable, il y a plus de 10 millions d’années, l’ancêtre de tous les Amphiprions avait 3 bandes. Au cours de l’évolution, certaines espèces ont perdu une ou plusieurs bandes blanches, précisément dans cet ordre : queue tronc puis tête !

Conclusion sur la tenue : le poisson-clown digne du clown ?

Sur les critères de la couleur et de la complexité de la tenue, le poisson-clown n’a rien à envier au clown ! Mais l’habit fait-il le clown ? Réponse ci-dessous.

L’anémone de mer et le poisson-clown

L’anémone : home sweet home ?

Urticante, mortelle et mangeuse de poissons, l’anémone est aussi accueillante que le château d’Hannibal le cannibale. Pourtant le poisson-clown a jeté son dévolu sur l’anémone de mer pour y vivre.

L’anémone ne se laisse pas approcher par les poissons ? Elle est donc une forteresse idéale. Une seule condition : s’en protéger. Et le poisson-clown a trouvé la parade. Il est insensible aux tentacules urticants de l’anémone de mer. Comment ? L’anémone reconnaitrait son propre mucus sur la peau du poisson-clown et ne le piquerait donc pas.

Quoi qu’il en soit, l’anémone de mer, inoffensive pour le poisson-clown, le protège contre de nombreux agresseurs. L’amphiprion profite de ses restes de nourriture. Il pondra même ses œufs à proximité de l’anémone.

À la fois gîte, couvert et nurserie, l’anémone est le parfait amphytrion de l’amphiprion.

Le poisson-clown : homme sweet homme ?

« Vous êtes bienvenue chez moi mais pas forcément chez mon anémone », nous confie ce poisson-clown.

Le poisson-clown fait aussi sa part du travail :

  • La nuit, son battement de nageoires favorise la circulation de dioxygène dans l’anémone
  • Ses déjections sont un mets de choix pour l’anémone
  • Il défend l’anémone de mer contre certains agresseurs

Néanmoins, cette relation de mutualisme semble profiter avant tout au poisson-clown qui augmente ses chances de survie. Tous les Amphiprions ont le besoin vital d’une anémone de mer. En termes de survie, le poisson-clown est donc tout sauf un clown.

Quel rapport entre l’anémone et le clown ?

Le clown de cirque est inséparable de la fleur arroseuse qui vous asperge d’eau. Cette fleur arroseuse ressemble à une anémone (la fleur).

Le poisson-clown est, quant à lui, inséparable de l’anémone de mer (qui est un animal).

Le clown est donc lié à l’anémone arroseuse, comme le poisson-clown est lié à l’anémone de mer.

Tiré par les cheveux ? Soit, mais l’Amphiprion marque encore un point.

Le grand numéro du poisson-clown : hiérarchie, hermaphrodisme et matriarcat

L’heure est venue d’assister au grand numéro du poisson-clown. Au programme : hiérarchie, hermaphrodisme et matriarcat… Pas très fun ? Laissons-lui sa chance quand même.

Hiérarchie et matriarcat

Dans une anémone, peuvent cohabiter plusieurs poissons-clowns de la même espèce. Dans ce cas, un couple dominant se reproduit et le couple tolère la présence de quelques juvéniles.

L’unique femelle est bien plus grosse que le mâle dominant. Le mâle est lui-même plus gros que les poissons-clowns restants.

Hermaphrodisme : les chaises musicales

Que se passe-t-il si la femelle disparaît ? Le grand numéro du poisson-clown s’emballe :

  • Le mâle dominant va grossir et changer de sexe pour devenir la femelle dominante !
  • Le 2e mâle va grossir pour atteindre la taille qu’avait le mâle dominant et devenir le mâle dominant.
  • Le 3e mâle va prendre la taille du 2e mâle.
  • Et ainsi de suite !

Verdict

Le numéro d’un clown comique se juge aux bouffonneries et aux surprises. Changement inattendu de sexe, croissance soudaine, chaises musicales hiérarchiques, le poisson-clown a parfaitement rempli son contrat !

EXCLUSIF : L’autre monde de Nemo

Sur la base de la biologie de l’Amphiprion (ocellaris ou percula), nous proposons un scénario alternatif au film d’animation Le monde de Nemo. Nous l’avons intitulé : L’autre monde de Nemo. Voici le synopsis.

Après une attaque de barracuda, Corail, la mère de Nemo, meurt. Sans prévenir, Marin, le père de Nemo, se transforme en femelle dominante, et prend le nom de Marine. De manière incontrôlable, Nemo grossit et devient le mâle dominant. Marine et Nemo se questionnent sur cette irrépressible attirance qu’ils ont l’un pour l’autre. Ils luttent contre leur nature mais pas très longtemps. Nemo et Marine profitent alors d’une vie de couple heureuse dans leur anémone et ont beaucoup de petits poissons-clowns.

Cette histoire de père, transformé en mère, qui copule avec son fils, intéressera-t-elle Pixar et Disney ? L’avenir nous le dira.

Alors, le poisson-clown est-il un clown ?

Comme le clown, le poisson-clown :

  • Porte une tenue très codifiée
  • Est indissociable de l’anémone (l’animal pour le poisson-clown, la fleur arroseuse pour le clown)
  • Interprète un numéro renversant  

Un grand oui, le poisson-clown a donc tout d’un clown ! Qu’il soit Amphiprion ocellaris ou Amphiprion percula ou tout autre Amphiprion.

Laissons-lui le mot de la fin :

Et vous, vous pensez que le poisson-clown mérite son nom ? Dites-le nous dans les commentaires !

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8 Commentaires

  1. En tant qu’hétéro, si ce soir j’avais un rancard avec une demoiselle et que quelques minutes avant le rendez-vous j’avais changé de sexe, ça ne la ferait pas rire. « Euh dis mon anémone, tu veux bien éteindre la lumière ? »

    • Fabien, très beau cas d’étude ! Dans le monde des poissons-clowns, si tu changes de sexe, cela signifie que la femelle dominante a disparu (femelle avec qui tu aurais forcément rancard). Nous te recommandons donc au moment de la disparition de la femelle et alors que tu es encore un mâle, de donner un rancard au mâle juste après toi dans la hiérarchie. Cela l’étonnera peut-être un peu. Et alors que tu changes de sexe et plus besoin d’éteindre l’anémone avec ton rancard masculin ! Tu restes hétéro mais de manière différée.

  2. Un ami des bêtes demande au kakapo:
    -« ça te réjouit vraiment de ne copuler que tous les 5 ans? »
    – « ho que oui, c’est pour ce soir! » lui répond le bougre.

    • Entre le kakapo qui ne se reproduit que tous les 5 ans et le poisson-clown qui change de sexe au cours de sa vie, les amis des bêtes ont de quoi révolutionner leurs pratiques de couple !

  3. En commençant ma lecture j’imaginai que le poisson clown se faisait accepter par l’anémone en la réjouissant de quelques facéties mais il n’en est rien, ce sont ses déjections qui intéressent la bougresse, ce qui ne prête guère à rire. Et que dire des moeurs de l’auguste, plus que dérangeantes, qui aurait du mal à dérider un puritain, même large d’esprit.
    Non décidément cet amphiprion ne mérite pas, selon moi, son qualificatif de clown; pas plus que le billard à trois bandes que d’ailleurs personne n’a jamais appelé billard-clown.

    • C’est un sacré pied-de-nez (rouge) du poisson-clown ! Peut-être que le cache-cache du poisson-clown entre ses tentacules amuse l’anémone ? L’anémone est peut-être un peu voyeuse ? Le poisson-clown a plus d’un tour dans son sac !
      Les boules de billard sont souvent rouge, jaune, blanche et noire, comme le clown et les différentes espèces de poisson-clown. Le qualificatif de clown semble donc également approprié pour le billard.

  4. Tout de même, Bestiapolitan nous étonne tellement parfois avec ses histoires à dormir debout, qu’on hésite à aller voir si c’est un hoax !
    Mais on ne va pas voir, car ça fait du bien de croire que la nature est encore assez riche pour se payer le luxe d’être si déjantée !

    • Bestiapolitan est ravi de te surprendre autant ! Et tu as raison, il n’y a jamais de hoax dans Bestiapolitan. Quand on y prête attention, la nature est totalement déjantée et d’une richesse inimaginable. En hommage à la folie de la nature, nous essayons d’être aussi (d)étonnants qu’elle. C’est un peu dans… notre nature !

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