Quand on confie la reproduction de 24 mouches à des chercheurs voyeuristes…

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Plaisir ou frustration ? Quelquefois la vie bascule du bon côté. D'autres fois, non. Pour ces 24 mouches, la réponse est entre les mains de chercheurs lubriques.

Et si votre vie sexuelle dépendait du bon-vouloir d’une poignée de chercheurs ? C’est justement le destin de 24 mouches drosophiles. Alors sur quoi misez-vous : reproduction des mouches ou frustration cruelle ?

Dans cette histoire implacable, découvrez :

  • Comment des chercheurs jouent aux dieux lubriques et voyeuristes
  • Ce qui se passe au cœur d’une orgie de mouches (en immersion)
  • En quoi la reproduction des mouches est similaire à la nôtre (en particulier pour les moins séduisants d’entre nous)

Et si vous êtes fan de poulpes, découvrez Poulpe Fiction, la parodie consacrée à la reproduction des pieuvres.

Mouches drosophiles : quand tout bascule

À quoi ressemble le paradis perdu d’une mouche

Il est des jours où il ne fait pas bon voler. Il vaudrait mieux rester planqué dans de la mie de pain ou dans un bon gros caca.

Malheureusement, dans un laboratoire d’expérimentation aseptisé, le doux rêve de victuailles et d’agapes reste confiné dans le ganglion cérébral des mouches.

On ne choisit pas où on est pondu. Cliquez pour tweeter

Ce matin-là, ils étaient 24. 24 mâles jeunes et vigoureux, carapaces de chitine luisante comme la carrosserie d’une voiture neuve.

Leur nom ? Drosophila melanogaster, ce qui signifie : amateur de rosée au ventre noir. Autrement dit : mouche drosophile melanogaster. Certains esprits malveillants l’appellent mouches du vinaigre.

À quoi ressemblent les dieux des mouches

Arrivent nos chercheurs. Leur mission. Recruter. Recruter 12 mâles chanceux qui vont être placés, par groupe de 4, au milieu de 20 mouches femelles en furie dans un bocal clos.

En biologie, cela s’appelle une expérience.

En sciences humaines, cela s’appelle une partouze.

En religion, cela s’appelle le paradis et certains tuent pour cela.

La reproduction des mouches à pile ou face

Pour bien comprendre la tragédie qui se joue, la durée de vie d’une mouche est de 19 jours.

Côté pile : le plaisir

Photo de la reproduction de deux mouches.
Quand prendre la mouche est un plaisir.

Les 12 mouches drosophiles mâles sont choisis. Ils sont positionnés dans l’arène où des femelles en furie les attendent.

Nous passons le descriptif de la scène.

La débauche, la saturation de l’air en phéromones de désirs et de plaisirs.

La trompe qui goûte le corps, les antennes aux aguets qui se gavent des odeurs de l’atmosphère libidineuse.

Le plaisir de la mouche, les abdomens dressés contre les abdomens soumis.

Les vrombissements, les ailes qui battent, les corps qui s’ébattent.

Et on change de partenaire, on remplit son rôle de perpétuation de l’espèce, cette force vitale visqueuse qui sort d’un corps pour entrer dans un autre.

Prendre la mouche. Toujours. Prendre la mouche. Encore.

À les voir, on aimerait être des mouches.

Comme nous vous le disions, nous passons donc le descriptif de la scène.

Et cette scène se déroule sous l’œil attentif de nos chercheurs. Car bien sûr le bocal est transparent.

Ajoutons à la concupiscence le voyeurisme.

Côté face : la frustration

Restent les 12 autres mouches drosophiles. Ces mâles sont aussi beaux que les autres, avaient en eux l’énergie, le désir.

Imaginez-les observer à l’autre bout du laboratoire, leurs 12 congénères, au cœur de cette orgie.

Quand on vient les chercher, à quoi pensent-ils ? La réalité se charge alors de leur répondre.

On place chaque mâle restant dans un petit bocal. Avec une seule mouche. Cela commence mal. Au moins, c’est une femelle. Il s’en contentera et songera au moment de l’accouplement à tous les jolis abdomens vus auparavant.

« Tu es une femelle, je suis un mâle, on est tous les 2 enfermés dans ce bocal. » Le mâle déroule sa technique d’approche habituelle.

Il suit la femelle. Elle le fuit, lui donne des coups de pattes. Il ne comprend pas. Il marche derrière elle dans son bocal rond.

Un tour de piste, deux, trois, le record du tour du bocal, détenu par un poisson rouge, est battu. Soudain, à force d’efforts, il arrive à se hisser sur le dos de la femelle.

Et au moment suprême, la femelle sort son arme de défense : l’ovopositeur, l’organe de ponte des œufs qui accessoirement empêche toute copulation.

L’ovopositeur, c’est une ceinture de chasteté, un bouclier anti-pénétration, le panneau STOP, le seau d’eau froide.

Une porte avec le numéro treize, symbole de malchance et de mauvais destin.
L’ovopositeur vue par la mouche.

Car oui, c’est bien une femelle dans son bocal mais une femelle déjà fécondée. Or une femelle fécondée n’est pas du tout disposée à accueillir un nouveau mâle avant sa prochaine ponte. Notre mâle aurait préféré Alcatraz à cette prison de frustration.

La reproduction de la mouche drosophile s’arrête là. De quoi prendre la mouche…

Et le paradis durera 4 jours pour les 12 mâles chanceux, et le supplice durera 4 jours pour les 12 mâles torturés.

Reproduction des mouches : comment compenser la frustration

Pourquoi vous ressemblez (peut-être) aux mouches

Revenons à la reproduction de la mouche et à son cycle de vie.

À la suite de chaque expérience, on présente à nos 24 mouches de la nourriture alcoolisée et son équivalent non alcoolisé. Devinez quoi, les mouches frustrées vont ingurgiter 4 fois plus d’alcool que les mouches comblées de plaisir.

C’est la conclusion de l’étude menée par le laboratoire de l’Université de San Francisco, publiée dans Science. 

Vous voulez assister à l’aventure en vidéo ? C’est ici.

Se réconforter par l’alcool, nous n’avons rien inventé.

Post-scriptum darwinien : mouche verte et mouche qui pique

On dit qu’une des 12 mouches frustrées, devenue folle, s’est transformée en une mouche qui pique. La redoutable prédatrice : dasypogon Diadema.

Une photo d'asilidae dasypogondiadema mouche prédatrice.
« Cette expérience m’a rendue plus résistante et plus agressive », nous a indiqué Asilidae dasypogon diadema. ©Fritz Geller Grimm / Wikimedia Common

Et qu’une autre mouche drosophile, somatisant son malheur, est devenue une mouche verte (lucilia Sericata). D’ailleurs si vous aimez les insectes verts que tout le monde déteste, découvrez le puceron vert sur sa tomate. Et sa technique spectaculaire pour se débarrasser des autres pucerons.

Mouche verte en gros plan.
Le jeune Lucilia Sericata, participant de l’expérience, a fini par somatiser. « Je suis vert, je suis vert » répétait-il, frustré. ©Alvesgaspar / Wikimedia Common

Et vous, à quel destin de mouche ressemble votre vie sexuelle actuellement ? Discrétion assurée : la réponse restera entre nous (et les milliards d’internautes).

Marre des petits insectes ? Rencontrez le plus grand animal du monde dans sa catégorie : mammifère, dinosaure, insecte, reptile.

 

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2 Commentaires

  1. Cher bestiapolitan, dans un prochain billet j’aimerais que tu parles d’experiences scientifique de copulation inter-espèces… je m’en réjouis d’avance!

    • Cher Olivier, cher albatros, la rubrique Famille sera faite pour toi ! On y parlera de séduction et de pratiques pour le moins « différentes ».

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